Du yôkai à la fleur de lotus
Au début nous voulions rencontrer les yôkai, raconter ces êtres fantastiques aux multiples facettes qui peuplent le panthéon des arts traditionnels du Japon. À la fois bienveillants et menaçants, âmes de la nature et des phénomènes, ils peuvent nous surprendre au détour d'un chemin creux à la tombée du jour, ou encore se nicher au fond d'une vieille théière de fonte.
Et puis, au détour d'un pli, le lotus a poussé dans l'imaginaire de notre projet comme une évidence.
Ses racines plongées dans les profondeurs du limon, il naît en eaux troubles et s’épanouit au soleil. La fleur de lotus puise sa substance vitale dans la boue pour jaillir au dessus de l’eau et fleurir en pétales immaculés. Symbole de pureté, de perfection, de fécondité, d’éveil, elle est le piédestal des divinités bouddhiques. Elle incarne la transformation, la confiance, l’espoir, l’idée de tous les possibles, même si l'on naît sur un terreau défavorable. Quelle merveilleuse métaphore !
Ensemble dans un climat calme et serein propice à l’écoute, au respect, à l’échange, à l’entre-aide, ensemble avec attention, application, concentration, nous avons pli-lier. Patiemment nous avons confectionné plus de mille lotus, avec les feuillets d’antiques dictionnaires qui nous offraient leurs mots au gré des plis et des déplis. Plus tard, les délicates fleurs de papier se sont reliés en longues guirlandes comme des perles sur le fil d’un collier ou comme la ronde agile des petits doigts plieurs autour de la grande table de l’atelier.
Alors les lotus ont grimpé dans le grand escalier du collège, ils ont pris leur élan pour monter haut, le plus haut possible, leurs fleurs entrelacées se sont élancées vers le ciel, elles ont tendu leurs pétales vers la lumière.
Nathalie Charmot.